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Mexique: de AMLO à Sheinbaum, ou l'incroyable mobilisation de la gauche

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Le 1ᵉʳ octobre, la première présidente élue dans l’histoire du Mexique, Claudia Sheinbaum, accédera au pouvoir. Elle prend la succession du très populaire Andrés Manuel López Obrador (AMLO). Claudia Sheinbaum est le personnage clé du nouveau livre d’Hélène Combes, directrice de recherche au CNRS. Dans son ouvrage De la rue à la présidence. Foyers contestataires à Mexico, publié aux éditions du CNRS, la spécialiste du Mexique étudie la naissance du mouvement de gauche Morena, de la première grande mobilisation jusqu’à la victoire du président AMLO en 2018.

RFI : Dans votre livre, vous vous penchez sur la mobilisation des militants de gauche à Mexico. Une mobilisation qui débouche en 2018 sur l’élection de Andrés Manuel López Obrador (AMLO) à la présidence mexicaine. Vous étiez en immersion au sein du mouvement qui a porté AMLO au pouvoir. Quelle est la clé de son succès ?

Hélène Combes : Ce que je montre dans mon livre, c’est l’histoire d’une victoire. Mais une victoire qui a pris du temps, en fait, douze ans.

Dans mon ouvrage, je suis huit personnages, quatre cadres politiques, dont une écrivaine et quatre militants de quartiers populaires sur toute cette période. Et je montre comment c’est un long travail d’organisation qui a été fait à l’échelle de quartiers populaires, la création d’un journal qui va devenir un organe d’éducation populaire et qui va permettre de réactiver des réseaux militants qui étaient parfois anciens, qui étaient liés notamment aux mobilisations urbaines en particulier, qui ont été très intenses après le tremblement de terre de 1985 et entre 2006 et 2018. López Obrador, mais aussi les gens qui l’entourent, notamment ces cadres politiques que je suis, vont faire tout un travail territorial dans les quartiers de Mexico.

Ce que je montre aussi, c’est que ce travail est variable en fonction des quartiers de cette ville, Mexico, qui est une ville immense, une des plus grandes villes du monde, où il y a des histoires urbaines très contrastées. Et donc on ne peut comprendre finalement le succès de ces mobilisations, puis de la transformation en parti, puis de la victoire à l’élection présidentielle — qui s’appuie en grande partie sur Mexico, qui concentre une partie de l’électorat — sans revenir à une histoire très spécifique et différente des quartiers. Il y a des quartiers du centre historique de Mexico, plutôt coloniaux, ou des quartiers d’autoconstruction à flanc de volcan, des terrains qui ont été occupés par des migrants ruraux dans les années 1970 autour de réseaux amicaux, familiaux, villageois et qui ont impliqué des formes de sociabilités populaires très spécifiques, qui sont reprises dans les mobilisations.

À écouter aussiLe Chiapas, un État mexicain qui s’enfonce dans la violence

Est-ce que cette mobilisation est un phénomène urbain ou est-ce qu’on observe cette même ferveur un peu partout dans le pays ?

Ce qui est très intéressant dans le contexte du Mexique, c’est qu’il y a des poches de très fortes politisations, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. J’avais travaillé sur ces questions-là précédemment dans un autre ouvrage intitulé Trajectoires de gauche au Mexique et où je montrais que des dirigeants de mouvements sociaux, dans des zones rurales notamment, par exemple dans l’État du Guerrero, avaient aussi très fortement contribué à la création d’un parti de gauche, sous une forme qui est assez classique en Amérique latine. Cette forme de parti, j’ai commencé à l’étudier à la fin des années 1990, elle est maintenant considérée comme classique, c’est celle du « parti-mouvement », donc avec une très forte articulation entre le tissu associatif, des mobilisations, des mouvements sociaux et des appareils partisans. Et donc là, dans cet ouvrage De la rue à la présidence. Foyers contestataires à Mexico, je me centre plus particulièrement sur le contexte urbain.

Vous avez commencé votre enquête en 2006. Dix-huit ans plus tard, est-ce que vous diriez que la ferveur de la mobilisation pro-Morena (le parti d’AMLO et de Claudia Sheinbaum) reste intacte ou il y a quelque chose qui a changé ?

Déjà, [le parti] Morena a remporté l’élection présidentielle du 2 juin avec presque 60 % des voix et a vu accéder au poste suprême au Mexique une femme, Claudia Sheinbaum, qui est l’un de mes personnages. J’ai commencé à suivre Claudia Sheinbaum dès 2006. Je l’ai rencontrée à plusieurs reprises. J’ai suivi des mobilisations dont elle a été la principale artisane, notamment ce qu’on appelait la « mobilisation des adelitas », qui est une mobilisation qui a été organisée contre la privatisation de la compagnie Pemex et dont elle était à la tête. C’étaient des brigades de femmes qui ont d’abord empêché le vote de la loi vue comme une privatisation. Ensuite, elles ont réalisé tout un travail territorial. Et donc Claudia Sheinbaum était la figure de proue de cette mobilisation. Donc, il y a quand même une très forte continuité de mon point de vue.

Cette mobilisation tient beaucoup au charisme, en tout cas au début, mais peut-être encore aujourd’hui, du président sortant AMLO, qui reste donc très populaire à la fin de son mandat qui s’achève dans quelques jours. Comment peut-on expliquer ce charisme ?

Alors moi, justement, je prends complètement le contrepied de ça dans mon ouvrage.

Vous dites que ce n’est pas que le charisme.

C’est quelque chose qui est construit — ce qui est complètement invisibilisé, parce que les médias ne regardent que les conférences de López Obrador. J’ai suivi pendant des années le travail d’organisation qui a été fait par López Obrador de manière extrêmement incertaine. Il y a des moments où ce n’était plus du tout couvert par les médias. Je suis partie en tournée avec lui, il n’y avait quasiment plus de journalistes qui suivaient son action. Et moi, ce que je voyais, c’était quelque chose de très différent du charisme, c’était un travail très systématique, un travail de quadrillage territorial. Il a sillonné plusieurs fois le pays en allant dans chacune des municipalités du pays, il a construit des bases de soutien... Et donc, ce que j’essaye de montrer, c’est qu’on ne peut pas comprendre la construction d’un nouveau parti, Morena, la place qu’a occupée López Obrador, sans ce travail qui était en fait très besogneux. Il a été très présent dans des médias alternatifs. Ce sont ses conférences, tous les matins, qui ont contribué à ce qu’il donne le ton sur l’agenda politique. Et il a été suivi en ça d’une certaine manière par les journalistes, même ceux qui étaient ses détracteurs. C’est lui qui a toujours dicté l’agenda et donc ça a aussi sans doute joué dans le maintien de sa popularité. Mais surtout, pendant son mandat, la pauvreté a diminué de 8 %. Je pense qu’il faut plutôt regarder de ce côté-là que de son soi-disant charisme qui, de mon point de vue, est vraiment à relativiser.

Alors un charisme à relativiser et un dévouement quand même des militants, un certain culte de sa personne, de ce que j’ai pu voir moi-même en ayant couvert les élections au Mexique en juin dernier. Ça fait un peu penser à Lula au Brésil. Est-ce qu’il y a des parallèles entre le succès de Morena et celui du Parti des travailleurs au Brésil ?

C’est en partie une histoire parallèle. C’est la même génération de militants, ce sont ces militants qui se sont formés dans les années 1970 pour beaucoup. Il y a eu d’autres générations qui sont venues renforcer les rangs de la gauche. Donc, ça, c’est un premier point de parallèle. Ce sont des histoires partisanes aussi qui ont des points de similitude. Le Parti des travailleurs s’est beaucoup appuyé également sur les réseaux associatifs et sur les mouvements sociaux. Donc, là, il y a aussi un parallèle important. Et malgré l’histoire houleuse de Lula ces dernières années, il y a cette image aussi de figure morale, on va dire, de la gauche, de probité, de présidents qui sont proches des milieux populaires. Dans la pratique, Lula en est issu. López Obrador est plutôt issu des classes moyennes de province, mais il a un parler qui est très populaire, il n’a jamais gommé son accent régional. Il y a des parallèles, en effet.

À lire aussi Claudia Sheinbaum, une scientifique de gauche à la tête du Mexique

Vous avez parlé de Claudia Sheinbaum, que vous avez suivie pendant des années. C’est effectivement une personne clé de votre livre. Elle succédera à AMLO dans quelques jours, le 1ᵉʳ octobre. Est-ce que vous pourriez nous décrire un peu sa personnalité ?

Dans les moments où je l’ai fréquentée — j’imagine que les derniers événements l’ont sans doute transformée —, c'était quelqu’un d’extrêmement concis, précis. Elle est docteure, spécialisée dans les questions d’énergie. Et puis elle a beaucoup travaillé sur le climat. C’est une universitaire, donc qui est plutôt issue, elle, des classes moyennes intellectuelles de Mexico. Et ce qui est intéressant, c’est qu’elle a été beaucoup, de mon point de vue, transformée par ces mobilisations auxquelles elle a participé depuis 2006. Elle avait déjà participé à des mobilisations antérieures. Elle avait participé à une mobilisation très importante en 1988 de l’Université nationale autonome comme étudiante. Mais en fait, toutes les mobilisations qui ont succédé après 2006 lui ont donné un ancrage dans les quartiers populaires et lui ont appris aussi finalement à créer ce lien plus personnalisé. Donc, par exemple, en avril 2023, je l’ai suivie dans la visite de centres communautaires qu’elle a créés, 300 centres communautaires à l’échelle de Mexico et où elle allait rencontrer les usagers, donc très à l’écoute. Le responsable du programme me disait : c’est très intéressant parce qu’elle ne vient pas pour faire des discours, ce qui est un peu le style de López Obrador, elle vient pour écouter les gens. J’ai passé l’après-midi avec elle, et durant cet après-midi, elle a parlé avec des jeunes qui avaient été déscolarisés, des mères de famille, des jeunes enfants, avec cette attitude finalement d’écoute, de comprendre la situation de ses administrés. Donc, un style quand même très différent de López Obrador.

Et à l'époque, aviez-vous pensé que, éventuellement, elle pourrait devenir un jour présidente ?

À l’époque de la « mobilisation des adelitas », pas du tout, et d’ailleurs, les journalistes non plus. Parce que quand j’ai cherché une photo pour la couverture de mon ouvrage, j’ai voulu une photo d’elle dans la « mobilisation des adelitas » et il n’y en avait aucune. Donc, elle était complètement invisible aussi pour la presse, même pour la presse mexicaine.

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RFI : Dans votre livre, vous vous penchez sur la mobilisation des militants de gauche à Mexico. Une mobilisation qui débouche en 2018 sur l’élection de Andrés Manuel López Obrador (AMLO) à la présidence mexicaine. Vous étiez en immersion au sein du mouvement qui a porté AMLO au pouvoir. Quelle est la clé de son succès ?

Hélène Combes : Ce que je montre dans mon livre, c’est l’histoire d’une victoire. Mais une victoire qui a pris du temps, en fait, douze ans.

Dans mon ouvrage, je suis huit personnages, quatre cadres politiques, dont une écrivaine et quatre militants de quartiers populaires sur toute cette période. Et je montre comment c’est un long travail d’organisation qui a été fait à l’échelle de quartiers populaires, la création d’un journal qui va devenir un organe d’éducation populaire et qui va permettre de réactiver des réseaux militants qui étaient parfois anciens, qui étaient liés notamment aux mobilisations urbaines en particulier, qui ont été très intenses après le tremblement de terre de 1985 et entre 2006 et 2018. López Obrador, mais aussi les gens qui l’entourent, notamment ces cadres politiques que je suis, vont faire tout un travail territorial dans les quartiers de Mexico.

Ce que je montre aussi, c’est que ce travail est variable en fonction des quartiers de cette ville, Mexico, qui est une ville immense, une des plus grandes villes du monde, où il y a des histoires urbaines très contrastées. Et donc on ne peut comprendre finalement le succès de ces mobilisations, puis de la transformation en parti, puis de la victoire à l’élection présidentielle — qui s’appuie en grande partie sur Mexico, qui concentre une partie de l’électorat — sans revenir à une histoire très spécifique et différente des quartiers. Il y a des quartiers du centre historique de Mexico, plutôt coloniaux, ou des quartiers d’autoconstruction à flanc de volcan, des terrains qui ont été occupés par des migrants ruraux dans les années 1970 autour de réseaux amicaux, familiaux, villageois et qui ont impliqué des formes de sociabilités populaires très spécifiques, qui sont reprises dans les mobilisations.

À écouter aussiLe Chiapas, un État mexicain qui s’enfonce dans la violence

Est-ce que cette mobilisation est un phénomène urbain ou est-ce qu’on observe cette même ferveur un peu partout dans le pays ?

Ce qui est très intéressant dans le contexte du Mexique, c’est qu’il y a des poches de très fortes politisations, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. J’avais travaillé sur ces questions-là précédemment dans un autre ouvrage intitulé Trajectoires de gauche au Mexique et où je montrais que des dirigeants de mouvements sociaux, dans des zones rurales notamment, par exemple dans l’État du Guerrero, avaient aussi très fortement contribué à la création d’un parti de gauche, sous une forme qui est assez classique en Amérique latine. Cette forme de parti, j’ai commencé à l’étudier à la fin des années 1990, elle est maintenant considérée comme classique, c’est celle du « parti-mouvement », donc avec une très forte articulation entre le tissu associatif, des mobilisations, des mouvements sociaux et des appareils partisans. Et donc là, dans cet ouvrage De la rue à la présidence. Foyers contestataires à Mexico, je me centre plus particulièrement sur le contexte urbain.

Vous avez commencé votre enquête en 2006. Dix-huit ans plus tard, est-ce que vous diriez que la ferveur de la mobilisation pro-Morena (le parti d’AMLO et de Claudia Sheinbaum) reste intacte ou il y a quelque chose qui a changé ?

Déjà, [le parti] Morena a remporté l’élection présidentielle du 2 juin avec presque 60 % des voix et a vu accéder au poste suprême au Mexique une femme, Claudia Sheinbaum, qui est l’un de mes personnages. J’ai commencé à suivre Claudia Sheinbaum dès 2006. Je l’ai rencontrée à plusieurs reprises. J’ai suivi des mobilisations dont elle a été la principale artisane, notamment ce qu’on appelait la « mobilisation des adelitas », qui est une mobilisation qui a été organisée contre la privatisation de la compagnie Pemex et dont elle était à la tête. C’étaient des brigades de femmes qui ont d’abord empêché le vote de la loi vue comme une privatisation. Ensuite, elles ont réalisé tout un travail territorial. Et donc Claudia Sheinbaum était la figure de proue de cette mobilisation. Donc, il y a quand même une très forte continuité de mon point de vue.

Cette mobilisation tient beaucoup au charisme, en tout cas au début, mais peut-être encore aujourd’hui, du président sortant AMLO, qui reste donc très populaire à la fin de son mandat qui s’achève dans quelques jours. Comment peut-on expliquer ce charisme ?

Alors moi, justement, je prends complètement le contrepied de ça dans mon ouvrage.

Vous dites que ce n’est pas que le charisme.

C’est quelque chose qui est construit — ce qui est complètement invisibilisé, parce que les médias ne regardent que les conférences de López Obrador. J’ai suivi pendant des années le travail d’organisation qui a été fait par López Obrador de manière extrêmement incertaine. Il y a des moments où ce n’était plus du tout couvert par les médias. Je suis partie en tournée avec lui, il n’y avait quasiment plus de journalistes qui suivaient son action. Et moi, ce que je voyais, c’était quelque chose de très différent du charisme, c’était un travail très systématique, un travail de quadrillage territorial. Il a sillonné plusieurs fois le pays en allant dans chacune des municipalités du pays, il a construit des bases de soutien... Et donc, ce que j’essaye de montrer, c’est qu’on ne peut pas comprendre la construction d’un nouveau parti, Morena, la place qu’a occupée López Obrador, sans ce travail qui était en fait très besogneux. Il a été très présent dans des médias alternatifs. Ce sont ses conférences, tous les matins, qui ont contribué à ce qu’il donne le ton sur l’agenda politique. Et il a été suivi en ça d’une certaine manière par les journalistes, même ceux qui étaient ses détracteurs. C’est lui qui a toujours dicté l’agenda et donc ça a aussi sans doute joué dans le maintien de sa popularité. Mais surtout, pendant son mandat, la pauvreté a diminué de 8 %. Je pense qu’il faut plutôt regarder de ce côté-là que de son soi-disant charisme qui, de mon point de vue, est vraiment à relativiser.

Alors un charisme à relativiser et un dévouement quand même des militants, un certain culte de sa personne, de ce que j’ai pu voir moi-même en ayant couvert les élections au Mexique en juin dernier. Ça fait un peu penser à Lula au Brésil. Est-ce qu’il y a des parallèles entre le succès de Morena et celui du Parti des travailleurs au Brésil ?

C’est en partie une histoire parallèle. C’est la même génération de militants, ce sont ces militants qui se sont formés dans les années 1970 pour beaucoup. Il y a eu d’autres générations qui sont venues renforcer les rangs de la gauche. Donc, ça, c’est un premier point de parallèle. Ce sont des histoires partisanes aussi qui ont des points de similitude. Le Parti des travailleurs s’est beaucoup appuyé également sur les réseaux associatifs et sur les mouvements sociaux. Donc, là, il y a aussi un parallèle important. Et malgré l’histoire houleuse de Lula ces dernières années, il y a cette image aussi de figure morale, on va dire, de la gauche, de probité, de présidents qui sont proches des milieux populaires. Dans la pratique, Lula en est issu. López Obrador est plutôt issu des classes moyennes de province, mais il a un parler qui est très populaire, il n’a jamais gommé son accent régional. Il y a des parallèles, en effet.

À lire aussi Claudia Sheinbaum, une scientifique de gauche à la tête du Mexique

Vous avez parlé de Claudia Sheinbaum, que vous avez suivie pendant des années. C’est effectivement une personne clé de votre livre. Elle succédera à AMLO dans quelques jours, le 1ᵉʳ octobre. Est-ce que vous pourriez nous décrire un peu sa personnalité ?

Dans les moments où je l’ai fréquentée — j’imagine que les derniers événements l’ont sans doute transformée —, c'était quelqu’un d’extrêmement concis, précis. Elle est docteure, spécialisée dans les questions d’énergie. Et puis elle a beaucoup travaillé sur le climat. C’est une universitaire, donc qui est plutôt issue, elle, des classes moyennes intellectuelles de Mexico. Et ce qui est intéressant, c’est qu’elle a été beaucoup, de mon point de vue, transformée par ces mobilisations auxquelles elle a participé depuis 2006. Elle avait déjà participé à des mobilisations antérieures. Elle avait participé à une mobilisation très importante en 1988 de l’Université nationale autonome comme étudiante. Mais en fait, toutes les mobilisations qui ont succédé après 2006 lui ont donné un ancrage dans les quartiers populaires et lui ont appris aussi finalement à créer ce lien plus personnalisé. Donc, par exemple, en avril 2023, je l’ai suivie dans la visite de centres communautaires qu’elle a créés, 300 centres communautaires à l’échelle de Mexico et où elle allait rencontrer les usagers, donc très à l’écoute. Le responsable du programme me disait : c’est très intéressant parce qu’elle ne vient pas pour faire des discours, ce qui est un peu le style de López Obrador, elle vient pour écouter les gens. J’ai passé l’après-midi avec elle, et durant cet après-midi, elle a parlé avec des jeunes qui avaient été déscolarisés, des mères de famille, des jeunes enfants, avec cette attitude finalement d’écoute, de comprendre la situation de ses administrés. Donc, un style quand même très différent de López Obrador.

Et à l'époque, aviez-vous pensé que, éventuellement, elle pourrait devenir un jour présidente ?

À l’époque de la « mobilisation des adelitas », pas du tout, et d’ailleurs, les journalistes non plus. Parce que quand j’ai cherché une photo pour la couverture de mon ouvrage, j’ai voulu une photo d’elle dans la « mobilisation des adelitas » et il n’y en avait aucune. Donc, elle était complètement invisible aussi pour la presse, même pour la presse mexicaine.

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