100 jours après la révolution au Bangladesh, un bilan du gouvernement transitoire mitigé
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Près de 4 mois après la révolution étudiante qui a chassé du pouvoir la Première ministre Sheikh Hasina et entraîné la mise en place d’un gouvernement intérimaire dirigé par l’économiste Muhammad Yunus, c’est l’heure des premiers bilans. La tâche du gouvernement provisoire semble titanesque tant les institutions ont été malmenées durant les 15 années de règne de plus en plus autoritaire de celle que l’on surnommait la « Begum de fer ».
Le processus de réforme avance, mais lentement. Le niveau de destruction des institutions sous l’ancien régime est tel qu’une quinzaine de semaines après la révolution ne suffisent pas pour tout reconstruire. La Première ministre déchue Sheikh Hasina exerçait un contrôle absolu de la justice, des médias et de la police dans un pays miné par la corruption.
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Après la période d’euphorie, la population commence à s’impatienter et les attentes sont énormes, surtout chez les jeunes. Rappelons que la moitié des 170 millions d’habitants ont moins de 27 ans et que ce sont les étudiants justement qui ont joué un rôle crucial dans le renversement de l’autocrate.
Le gouvernement provisoire a créé 10 commissions chargées de plancher sur les réformes politiques, administratives et institutionnelles. Les conclusions devraient être remises au gouvernement d’ici la fin de l’année avant d’être soumises à tous les partis politiques du pays.
Soif de justice
S’il est un domaine dans lequel le gouvernement transitoire a avancé, c'est bien celui de la justice, qui répond aux attentes fortes de la population suite aux disparitions forcées, meurtres et tueries de masse perpétrés pendant le soulèvement. À ce titre, plusieurs anciens hauts responsables ont été arrêtés, une dizaine de ministres ainsi que l’ancien chef de la police ont comparu cette semaine devant un tribunal à Dacca pour leur rôle dans les massacres de l’été dernier.
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L’ex-inspecteur général de la police est poursuivi quant à lui pour « massacres, génocide et crimes contre l’humanité ». Au moins 700 personnes ont été tuées lors des manifestations réprimées l’été dernier, selon les chiffres de l’ONU. Des milliers d’étudiants ont également été blessés, dont certains sont toujours hospitalisés. Une personne manquait pourtant à l’appel de ces procès qui viennent de s’ouvrir : Sheikh Hasina, la Première ministre renversée qui s’est exilée en Inde début août. Elle fait l’objet d’un mandat d’arrêt international et d’une notice rouge d’Interpol et est poursuivie pour crimes contre l’humanité. New Delhi, pour le moment, garde le silence.
Après des années de plomb, un vent de liberté souffle sur la capitale. En moyenne deux à trois manifestations sont organisées chaque jour à Dacca. Il s’agit d’un changement majeur pour les Bangladais, libres désormais de se réunir et de s’exprimer sans crainte d’être arrêtés.
Un gouvernement provisoire sous le feu des critiques
La première critique concerne les élections qui ne sont toujours pas à l’ordre du jour. Le prix Nobel de la paix, Muhammad Yunus, en accord avec les étudiants - dont certains leaders font partie de sa coalition-veut d’abord procéder à des réformes clés, électorales et constitutionnelles avant d’organiser des élections. Mais des politiques et certains officiers de l’armée veulent un calendrier électoral dès janvier. Certains analystes estiment que trop d’attentisme pourrait coûter cher au gouvernement provisoire, et au pire conduire à une prise de pouvoir par l’armée. La situation économique et sociale, hausse du chômage, flambée des prix, risquent également d’éroder la confiance dans ce gouvernement intérimaire. Il est déjà sous le feu de critiques après avoir minimisé des violences contre les minorités religieuses, notamment hindoues, et pour son manque de transparence dans la nomination de certains conseillers jugés corrompus.
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